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"Le blog de Mohamed el youssfi"

25 décembre 2011

Les réserves aux traités relatifs aux Droits de l'Homme

Introduction

 

La réserve est une déclaration unilatérale faite par un Etat en vue de modifier pour lui-même les effets juridiques de certaines des dispositions d'un traité à l'égard duquel il s'apprête à s'engager définitivement.

C'est donc une procédure conditionnant l'entrée en vigueur du traité pour l'État qui l'émet.
C'est un système ambivalent d'un point de vue pratique.

L'avantage pour l'émetteur consiste en la possibilité qui lui est donnée de doser ses engagements.

L'inconvénient majeur réside dans le risque d'éclatement qu'encourt alors le traité.
C'est un système, sinon nécessaire, du moins qui est la conséquence du caractère fondamentalement interétatique de la société internationale, vérifié par l'évolution historique : entre la prohibition des réserves (Pacte de la S.D.N., Charte de l'O.N.U., ou Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982) et leur reconnaissance (Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités).
Toutefois, les risques d'excès sont réels (exemples : la deuxième Conférence de La Haye de 1907, la Convention de 1951 sur les réfugiés).

D'où un effort de réglementation, dans le sens de la rationalisation.

Le droit international des droits de l’homme fait partie intégrante du droit international dont il tire sa force et sa validité juridique.

Le but premier des traités relatifs aux droits de l’homme est de poser des standards minima uniformes de protection au bénéfice de tous les être humains, tous égaux en dignité quel que soit l’Etat sous la juridiction duquel ils sont placés.

D’où d’ailleurs le caractère "objectif" de ces traités, qui n’ont pas pour but de  créer des obligations réciproques entre Etats, mais bien d'avantage, de soumettre les États parties à « un ordre légal au sein duquel ils assument, pour le bien commun, diverses obligations à l'encontre de toute personne relevant de leur juridiction » (C.E.D.H., 11 janv. 1961, Autriche c. Italie).En effet les droits de l’homme sont le bien commun de l’humanité et l’arrêt rendu en 1970 par la C.I.J avait énoncé que les obligations envers les individus étaient erga omnes.

Dans ce cas, l'invalidité de la réserve n'est pas circonscrite aux relations entre États (à la différence de la solution de l'art. 21, § 3 de la Convention de Vienne), mais touche aussi le rapport de l'État à la convention.

La convention de Vienne sur le droit des traités ne règle que le régime des réserves à des convention synallagmatiques et ne peut régler l’ensemble du régime des réserves en matière de droits de l’homme, en effet la pratique des réserves en matière de traités relatifs aux droits de l’homme pose des problèmes particuliers en raison de la spécificité de l’objet et du but de ces traités.

En 1992, on observait déjà à l’intention des Etats que certaines réserves formulées posaient des problèmes quant à leur compatibilité avec l’objet et le but des instruments en question.

En 1993, le secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros Ghali lors d’une conférence mondiale avait démontré que la plaie des traités relatifs aux droits de l’homme résidait dans le nombre des réserves faite par les Etats.

En réalité c’est davantage la nature même des réserves qui peut porter atteinte à la substance essentielle des traités.

Ce qui pose problème est bien le contrôle de l’application de ces traités et notamment de l’appréciation de la validité d’une réserve émise aux traités relatifs aux droits de l’homme.

En effet dans quelle mesure peut-elle être valide puisque les droits de l’homme tendent vers une objectivisation et quels sont le ou les organes compétents pour apprécier la validité d’une telle réserve.

Ainsi nous verrons que le régime juridique des traités relatifs aux droits de l’homme est un régime spécial qui ne peut être réglé par la Convention de Vienne sur le droit des traités (I) et qu’il existe qu’une possibilité limitée d’émettre des réserves à ces traités afin de rendre effectif la protection des droits de l’homme au niveau universel (II)

 

I  La spécificité du régime juridique des traités relatifs aux droits de l’homme

 

C’est à la lumière des organes européens et internationaux que les droits de l’homme tendent vers une protection objective .En effet ces organes marquent une volonté d’autonomie dans leurs contrôle sur la validité des réserves émises par rapport aux souverainetés étatiques qui peuvent apprécier la compatibilité au but et à l’objet du traité une réserve émise par un autre Etat contractant (A). Et si la réserve émise par un Etat est estimée non valide, l’Etat mécontent peut toujours dénoncer le traité (B)

 

A  L’objectivisation de la protection des droits de l’homme marqué par les organes internationaux

 

La spécificité des traités relatifs aux droits de l’homme commande sur  certains points un régime différent du droit classique afin que la protection des droits de l’homme devienne réelle et effective.

En effet cette spécificité fait que l’application de la Convention de Vienne sur le droit des traités est inappropriée à réglementer le cadre juridique de ces traités puisqu’ils tendent vers une objectivisation des droits de l’homme.

Ainsi il semblerait qu’un système interétatique de protection des droits de l’homme puisse être inadéquat car pouvant empêcher cette protection d’avoir une réelle effectivité.

En effet dominé par le principe de réciprocité contenu dans la Convention de Vienne, ce système fait place à une appréciation individuelle inévitablement subjective de la part des Etats sur le caractère admissible ou non d’une réserve démontrant ainsi son caractère  inadéquat en matière de traités relatifs aux droits de l’homme.

En effet la réaction de chaque Etat lorsqu’elle se manifeste ne permet pas d’apporter une réponse suffisante et objective apte à protéger efficacement les individus.

Les traités relatifs aux droits de l’homme ayant pour effet de créer à la charge des Etats des obligations absolues impliquent par voie de conséquence une uniformisation de conduite à l’égard de tous les individus d’où le système interétatique parait inapproprié.

En effet dans ce cas comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme en 1975 dans l’affaire opposant le Royaume Uni à l’Irlande en raison de l’objectivisation des droits de l’homme les Etats n’ont pas la possibilité de ne pas remplir leur obligations en matière de droits de l’homme si un autre Etat ne le fait pas.

 

Ainsi lorsque que le traité relatif aux droits de l’homme prévoit un organe spécial chargé du contrôle de l’application de celui il est inévitable que celui-ci joue un rôle déterminant.

Ainsi au niveau Européen c’est pour la première fois en 1988 que la Cour Européenne des droits de l’homme  dans l’affaire Belilos affirme non valide une réserve l’ayant estimée contraire à l’article 64 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans l’arrêt Loizidou, la Cour s’est estimée être la gardienne de l’ordre public européen des libertés et de son mécanisme de contrôle.

Au niveau international, le Comité des Droits de l’homme non seulement contrôle la validité formelle et substantielle d’une réserve mais influence aussi d’autres institutions dans les divers traités relatifs aux droits de l’homme.

Estimant que le contrôle de compatibilité d’une réserve n’est pas une tache qu’un Etat puisse accomplir de manière appropriée mais parce qu’également cette tache lui revient dans l’exercice de ses fonctions.

Ainsi le Comité des droits de l’homme se reconnaît compétent pour apprécier objectivement la compatibilité de réserves mais il reconnaît cette compétence que dans un domaine particulier ou sont en cause les intérêts des individus

Ainsi ces organes manifestent l’autonomie du droit international des droits de l’homme par rapport à un système interétatique qui l’empêche d’avoir une réelle effectivité.

Car bien que le droit international ne fait qu’un, et que le droit international général est le droit commun il faut admettre la spécificité de certains régimes où l’on ne se borne pas à prendre en considération les seuls droits ou intérêts des Etats.

Il y a bien là une spécificité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui commande une appréciation objective des réserves à laquelle ne peut répondre la Convention de Vienne sur le droit des traités puisqu’elle semble consacrer une appréciation subjective des réserves.

 

B  la possibilité de dénoncer le traité en réponse à l’invalidité d’une

Réserve

 

On peu retenir au niveau des conséquences du contrôle des organes internationaux  sur la validité de réserves émises à des traités relatifs aux droits de l’homme que plusieurs solutions ont été proposées.

Ainsi la première a consisté en ce que l’Etat formulant une réserve non valable sans exclu par voie de conséquence au traité.

La seconde solution a été de poser que l’Etat formulant une réserve non valable reste néanmoins lié par le traité et cela en faisant abstraction de la réserve émise.

La troisième solution a posé que l’Etat formulant une réserve non valable reste partie contractante au traité mais à l’exclusion de la disposition ou de la partie de disposition du traité couverte par la réserve.

Ainsi dans l’affaire Belilos la Cour européenne des droits de l’homme a adopté la seconde solution et a effectué son contrôle sans tenir compte de la réserve émise par la Suisse tout en affirmant que cette invalidité n’affectait pas son engagement.

Position confirmée et complétée par la suite dans l’affaire Loizidou.

L’invalidité d’une réserve semble exiger de la part de le l’Etat qui l’a émise de la retirée ou alors lorsque cette invalidité est partielle qu’elle puisse lorsque cela est possible d’être modifiée.

L’Etat alors mécontent de cette invalidité peut toujours dès lors dénoncer le traité si estime que cette réserve était une condition fondamentale de son engagement.

Sur le plan universel, le Comité des droits de l’homme adopte une position similaire.

 

II La possibilité limitée d’émettre des réserves aux traités relatifs aux droits de l’homme

 

Dans le contrôle de l’application des traités relatifs aux droits de l’homme , les organes spéciaux qui s’estiment compétent pour se prononcer sur la validité ou non d’une réserve , on aperçoit qu’ils admettent restrictivement une telle validité qui se justifie eu égard à l’intérêt universel de protection des droits de l’homme (A) et qu’ils vérifient par delà que cette réserve n’est pas incompatible avec l’objet et le but du traité critère palliant l’insuffisance d’un contrôle simplement formaliste (B).

 

A  l’admission restrictive à la validité de réserves émises à l’encontre de traités relatifs aux droits de l’homme

 

Si le contrôle sur la validité de réserves émises à l’encontre de traités relatifs aux droits de l’homme apparaît formaliste c’est dans un souci d’éviter un contrôle de fond pouvant heurter la sensibilité des Etats réservataires.

Concernant l’exemple européen, les organes européens on opéré une vérification eu égard à l’article 64 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi une réserve ne peut être valable que si elle comporte un bref exposé de la loi en cause. (Art 64 § 2)

C’est une garantie à ce que la réserve n’aille pas au-delà des dispositions écartées par l’Etat réservataire. Constituant en conséquence un élément de preuve et de sécurité juridique

La réserve d’une disposition particulière est autorisée à condition que la loi contraire à la disposition de la Convention soit en vigueur et qu’elle soit formulée au plus tard au moment de la ratification de la Convention.

En ce qui concerne la réserve normative et générale, il y a une interdiction.

Ainsi est une réserve générale pour la Cour européenne des droits de l’homme, une réserve rédigée en terme trop vague ou amples pour que l’on puisse apprécier le sens et le champ d’application exact. De même que le caractère général d’une réserve peut être également déterminé en fonction de son contenu matériel.

Le Comité des droits de l’homme estime également que les réserves ne peuvent être de caractère général, elles doivent viser une disposition particulière du Pacte des droits civils et politiques.

Le Comité met aussi l’accent sur la nécessité de transparence que doivent présenter les réserves et indique qu’il est souhaitable qu’un Etat qui formule une réserve indique précisément les dispositions législatives ou les pratiques internes qu’il juge incompatible avec l’obligation énoncée dans le Pacte qui fait l’objet de sa réserve.

 

 

 

 

B  Le contrôle de la compatibilité de la réserve avec l’objet et le but du traité

 

Les auteurs d’un traité ont toujours la possibilité d’interdire certaines réserves ou d’en autoriser d’autres expressément, dans le silence du traité elles sont admissibles à la condition qu’elles ne soient pas incompatibles avec l’objet et le but du traité.

C’est un critère énoncé par l’article 19 de la Convention de Vienne et qui parfois est énoncé spécifiquement dans les traités relatifs aux droits de l’homme.

Le Comité des droits de l’homme considère que bien que le Pacte des droits civils et politique  ne fasse pas expressément référence au critère de la compatibilité de la réserve avec le but et l’objet du Pacte, elle est néanmoins régie par ce critère.

Le but et l’objet du Pacte sont de créer des normes relatives aux droits de l’homme  juridiquement contraignantes en définissant certains droits civils et politiques et en les plaçant dans un cadre d’obligations juridiquement contraignantes pour les Etats qui le ratifient.

Sur cette base le Comité fixe les principes directeurs qu’il doit suivre pour apprécier l’admissibilité d’une réserve.

Ainsi le Comité en déduit que les règles de droit international coutumier ne peuvent pas faire l’objet de réserves.

C’est le reflet d’une conception objective des conditions substantielles de validité des réserves.

Tout le problème se trouvant alors dans l’identification des dispositions internationales ayant une nature coutumière.

En effet le Comité considère par exemple que tous les droits énumérés dans la Déclaration universelle de 1949 n’ont pas systématiquement un caractère coutumier.

Le raisonnement adopté par le Comité a été confirmé par la jurisprudence internationale, en effet dans l’affaire plateau continental de la mer du Nord la C.I.J a affirmé l’impossibilité  dans laquelle se trouvait des Etats d’émettre des réserves à l’égard des règles coutumières codifiées.

De même qu’il est facile d’admettre qu’une réserve contraire à une norme de Jus Cogens soit invalide, tout le problème étant de déterminer le contenu de celui-ci.

Il se trouve être que le Comité n’est pas forcément l’autorité la plus qualifiée pour établir une liste des règles du Jus Cogens. Néanmoins il peut jouer un rôle d’impulsion en amenant à délimiter un véritable noyau dur des droits de l’homme.

Ainsi appliquant le critère de la compatibilité de la réserve avec l’objet et le but du Pacte, une réserve déniant les droits des peuples à l’autodétermination ou touchant à l’obligation de non discrimination ne serait pas acceptable.

Au niveau Européen, dans l’affaire Loizidou la Cour européenne des droits de l’homme va conclure que les restrictions ratione loci dont sont assorties les déclarations de la Turquie ne sont pas valides.

En effet la Cour va relever que les articles 25 et 46 sont des dispositions essentielles à l’efficacité du système de la Convention puisqu’ils délimitent la responsabilité de la Cour et de la Commission, celle d’assurer le respect des engagements des Parties contractantes.

Elle tient en effet compte du caractère singulier de la Convention qui déborde le cadre de la simple réciprocité entre Etats et crée des obligations objectives.

En effet l’objet et le but de la Convention, instrument de protection des droits de l’homme au niveau européen, appellent à interpréter et à appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives.

Cette finalité s’oppose donc à la possibilité aux Etats de tempérer leur consentement par le jeu de clauses facultatives puisque cela amoindrirait le rôle de la Commission et de la Cour dans l’exercice de leurs fonctions mais aussi l’efficacité de la Convention.

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